vendredi 29 mai 2009

Heureusement qu'il y a Lisbeth


Sans m'étendre: un mot sur «Millénium Le Film».
Beaucoup ont aimé, je sais. Entre autres, mes camarades Dany et Louise de «Je l'ai vu à la radio». 

Personnellement je suis resté sur ma faim, même qu'une semaine après, je suis encore plus déçu qu'à la sortie du visionnement.

Bon, sans tomber dans les détails, je rappelle que  c'est le premier livre qu'on a porté à l'écran, juste le premier. Les deux autres vont suivre.

Bien sûr, comme tout le monde, je voulais voir Lisbeth, voir comment on avait casté ce personnage aussi fantasque qu'attachant, cette street-wise-girl, maigre, musclée, tatouée, percée de partout, hacker de grand niveau, bi-sexuelle et qui sentait le cul, autant à travers sa combinaison de moto qu'à travers  les pages du roman de Larson.






Pas compliqué, Millénium, c'est d'abord et surtout elle. Plus même que le journaliste Blomqvist, le héros.

Eh! Bien! Noomi Rapace, cette actrice sortie pour nous, nord-américain, de nulle part, est devenue pour  les besoins du cinéma Lisbeth Salander. Même si on a quelques hésitations au début, elle devient vite le personnage dont la particulière beauté n'a d'égal que ses profondes blessures intérieures. Heureusement d'ailleurs parce que sinon, je n'aurais pas plongé.

Ah! oui! vous dire quand même que, même si les romans de Larsson ne sont pas de la grande littérature, ils n'en restent pas moins de véritables «page turner». Une fois commencé, je n'ai pas pu décrocher.  Comme 10 000 000 de lecteurs finalement. Je bouquinais partout, en vacances, à la plage, dans la chambre, aux chiottes, partout je vous dis. Or, j'étais davantage accro au destin de Lisbeth qu'aux enquêtes. Même que secrètement, je crois, j'en étais tombé un peu amoureux. C'est génial de fantasmer et flasher sur une héroïne de roman, on sait au moins qu'elle ne vous collera pas une MTS et encore moins ne bouleversera votre vie de petit bourgeois.

Dans cette littérature pour le moins populaire tout est emballé d'intrigues, de décors et beaucoup de personnages secondaires, ma foi fort important, puisqu'ils sont le liens de tout ce maillotage, et que c'est grâce à eux qu'on finit par comprendre la Suède, société plutôt particulière en son genre.

Or, dans «Millenium le film», ces personnages secondaires sont pour le moins absents. S'ils ne le sont pas complètement, ils n'occupent guère la place que leur avait réservé l'auteur.

 On a passé au bistouri quelques aventures amoureuses pourtant fort révélatrices du caractère des personnages principaux. On  a coupé court à quelques intrigues d'arrière-plan, comme celle, par exemple,  qui mène Super-Blomqvist de cette petite île de Suède jusqu'au fin fond de l'Australie.

Aussi, dans cette tartine qui dure 2h20 minutes, scénariste et réalisateur ont escamoté pour des raisons dramatiques, diront-ils, des pans  de l'intrigue pourtant important pour la suite des choses. Surtout vers la fin, on sent que tout se précipite, que ça se bouscule aux portillons.

Dommage!

Oui, dommage parce que ça m'a laissé insatisfait. J'suis sorti du cinéma un peu fru en me disant que, comme la littérature de Larsson en était une de genre, on aurait eu avantage à récupérer toute la dramatique de son formidable récit pour en faire... je ne sais pas moi... une excellente série télé?











jeudi 28 mai 2009

La vita e bella

J'attendais mon rendez-vous, l'heure du  changement d'huile. Il était un peu plus de midi. Or, dans ce garage qui est en fait un concessionnaire, jusqu'à 13h, tout stoppe.

Je  suis donc allé au café  prendre une bouchée et patienter, le temps que tout se remette en marche. Je me suis assis à côté de Liette, la préposée au service, que je connais un peu et que j'aime bien à cause de ses yeux rieurs, de son sourire, de sa gentillesse et de son don certain pour les relations publiques, mais aussi humaines. 

Liette, elle, était assise en face d'une jeune file que je ne connaissais que de vue. Elle travaille à la boutique. 
Et on s'est mis à discuter de tout et de rien, de la température, bien sur, de l'été qui se fait désirer, des pannes informatiques qui, quand elles surviennent, plongent désormais les entreprises dans l'obscurité la plus totale. De tout et de rien, vous dis-je. 
Jusque là, je ne parlais qu'avec Liette. Et sans savoir ni comment ni pourquoi, le sujet par excellence, la vie, est tombé sur le tapis; la vie avec ses lieus communs, ses clichés et ses évidences.

C'est cet instant qu'a choisi la jeune fille de la boutique pour sauter dans la conversation et lancer, la tête plongée dans son assiette : «c'est dur la vie, moi,  je trouve ça difficile».

Ses mots sont tombés comme un pavé dans notre petite mare. On aurait dit qu'elle attendait le moment, son moment à elle. Son ton était si grave qu'il imposa tout naturellement un silence. Elle leva à peine les yeux. Une fille, jeune, plutôt mignonne qui, sans qu'on s'y attende, dans un lieu et dans des circonstances qui ne prêtaient nullement à la confidence,  nous balançait  à la gueule un truisme. 
En fait, c'eût pu être un truisme. Or, ce ne l'était pas du tout.

La phrase eut pu nous sembler tout à fait anodine. Elle ne l'était pas. Il n'y avait rien de léger dans cette phrase qu'elle venait de nous envoyer sans prévenir. On sentait qu'elle venait de loin, de très loin. Qu'elle était réfléchie, sentie. Sans pouvoir m'expliquer pourquoi,  il m'est apparu  évident que ces mots étaient le véhicule d'une douleur profonde.

-Allons, t'es toute jeune, lui ai-je dit.

-32 ans, a-t-elle répondu. C'est pu ben ben jeune. Et j'ai rien, je ne possède rien. Et je vois les autres qui ont tout, tout cru dans le bec. Non vraiment,  je trouve ça dur de me battre tout le temps. Je trouve ça dur la vie.

J'ai cru déceler de l'eau dans ses yeux.

Comment ne pas tomber dans la morale? Comment dire à cette toute jeune fille qui, de toute évidence, en arrache, comment lui dire, donc,  sans avoir l'air de parler à travers son chapeau ni de s'immiscer dans ce qui ne nous  regarde pas, qu'il y a, dans la vie, autre chose que les biens, que le matériel et que l'argent? 

La conversation s'est arrêtée. Il était presque 13h. Ramassant ses affaires, la jeune fille s'est levé pour aller à la boutique. Liette s'est aussi levé pour rejoindre ses quartiers. Et je me suis levé moi-aussi. 
En allant vider mes affaires à la poubelle, osant à peine jeter un regard vers  «jeune fille», un peu troublé, je ne m'en cache pas, ne voulant surtout pas la laisser sur cette note, j'ai envoyé niaiseusement:

 «Bah! La vie n'est pas si dure que ça. Regarde-moi,  55 ans. Ça prouve qu'on peut passer à travers pendant un petit bout de temps». 

Pas fort-fort, j'en conviens, d'autant plus que je ne sais rien, ne connais rien de son histoire, de son passé, de son quotidien. Sans expliction, j'étais juste triste pour elle. Qu'est-ce qu'il y avait donc au fond, là, oui, là, exactement là, au fond, qui lui faisait si mal?

J'aurais dû, peut-être, comme Renaud juste lui chanter: «...Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie... et l'aimer même si le temps est assassin... et emporte avec lui les rires des enfants...et les mistrals gagnants...». J'aurais peut-être dû.

Cet après-midi à ARTV, j'ai revu La Vita e Bella de Roberto Begnini. et j'ai repensé à la boutiquière.

 

 

  

mercredi 27 mai 2009

Et là-bas, loin, loin...


Juste un mot concernant madame la gouverneure générale qui, de passage au Nunavut, a goûté du coeur de phoque cru. Évidemment, si j'étais un phoque je ne l'applaudirais pas de mes petits membres palmés.    
Or, il se trouve que  je suis humain. Aussi, je la suis complètement dans son geste. Hey! oui! Il est politique à sa façon, symboliquement politique. 
Comment dire? Y a  les boeufs, les agneaux, les porcs, les lions, les éléphants, les morues, les homards, les crocodiles, les orang-outans, de joyeux reptiles et de jolis moutons blancs,  y a aussi les phoques... Et puis il y a surtout, tout en haut, l'humain dont des populations qui meurent de faim. Et là-bas, loin, loin,  y a le chasseur de Terre- Neuve et celui de Labrador.

Alors, permettez que  j'applaudisse, madame la gouverneure, et  à deux mains. 

L'homme libre???



J'y reviens parce que le commentaire de l'ami Laporte sur les motocyclistes: «Être les derniers hommes libres du Québec, ça se paye» me trottine dans la tête.

Je me disais surtout, en roulant sous la pluie justement, qu'il s'agit-là d'une bien petite liberté, toute relative, rien à voir avec la défense d'une quelconque démocratie, rien à voir avec la liberté qui s'oppose à l'asservissement, rien à voir avec la liberté qui se dresse devant la dictature, rien à voir avec la liberté idéologique qui finit, tout comme on ne peut empêcher l'eau des rivières de rejoindre la mer,  par affranchir les peuples opprimés,  rien  voir avec la liberté de Montesquieu qui fait jouir des autres biens, rien à voir non plus avec la liberté, label d'un yogourt connu, rien à voir avec la liberté d'association, de religion ou d'expression...

D'ailleurs toutes ces libertés, à part peut-être le yogourt, ne se paie pas en dollars.

Toutes ces libertés ne sont en rien monnayables.

Non, il ne s'agit que d'une impression de liberté, rien qu'une impression, celle de rouler à moto. Ici la liberté, c'est le vent, le même vent qui donne au marin l'élan de parcourir mers et océans.

Et s'il y a un prix à payer, il n'est pas en dollars . 

Le prix que paie le motard est ailleurs que dans les porte-feuilles qui nourrisent les goussets de la SAAQ.

Le prix à payer pour ce tout petit feeling de liberté est dans le deux roues.

 Eh! mollo! Rien à voir avec le «rouler lousse assis sur le moteur à 150 Km\h». 

 Juste dans le  deux roues; dans la fragilité de l'équilibre;  dans le déséquilibre  qui nous oppose aux autres véhicules; dans le danger que représente l'imprévisible coulée d'huile; dans la pluie qui rend le bitume parfois savonneux; dans la peinture appliquée à même la route et qui transforme l'asphalte en patinoire; dans la menace de l'inattendu; dans l'exposition aux éléments, à leurs caprices et à ceux des gens; dans les imprévus; dans notre volontaire et  consciente vulnérabilité;  Le prix à payer pour cette illusion de liberté est, déjà, dans le risque, dans le danger. 





mardi 26 mai 2009

Les clowns!

Qu'est-ce qu'on a pu écrire sur les clowns que l'État québécois compte mandater dans les centres d'accueil? Des dizaines de papiers, de chroniques, d'édito.

À part à la radio, chez Christiane, je n'ai entendu personne défendre l'initiative. Personne.

Or, moi, je ne trouve pas l'idée plus bête qu'une autre. Mamina, j'en suis certain, sourirait de voir  Pagliaccio arpenter son étage. Comme tous les morts-vivants du 3e, elle  s'amuserait sûrement de ses accoutrements ridicules et de sa naïveté.

Et comme dirait l'autre, si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand chose.

Disons, mettons, que le problème, c'est pas le guignol. Le problème, c'est qu'avant de penser à foutre des bouffons dans les jambes des préposés déjà trop peu nombreux, il faudrait songer à augmenter les effectifs et à les aider à faire leur boulot.

  

lundi 25 mai 2009

...des bottes de moto, un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos...

Quand donc me suis-je arrêté? Début mai?
Dur-dur de se discipliner, de se décider, d'emprunter les escaliers qui mènent à la cave, de s'asseoir au bureau, face à l'ordi, de poser les doigts sur le clavier et de s'y mettre. Faut  taper la première lettre, puis la seconde, puis la suivante; faut une idée; faut le temps, sinon faut le trouver. 
 Et quelquefois le levain finit par gonfler la pâte. Et surgissent alors des mots,  des paragraphes et avec un peu de chance un texte qui vaille la peine d'être écrit, mais surtout d'être lu.
 Avant, pourtant, je faisais ça tous les jours. Avant. Le texte n'en valait pas toujours la peine. Je n'avais guère plus de discipline. Oh! que non! C'était le boulot.

Il y a bien eu pourtant une ou deux choses pour me chatouiller ces derniers temps: les clowns, les Bixi, les motos et Stéphane Laporte qui, sur son blogue, parle avec ironie «des derniers hommes libres» et du prix à payer pour cette liberté. On dirait un titre de western. Ne manque que la langueur de l'harmonica.
                                                                      * * *

J'suis  pas dans le bureau. J'ai pas trouvé l'ecalier. J'suis sur la terrasse. Le soleil vient juste d'embrasser la cime de mon érable. Fait presque beau.

                                                                    * * *

Quoi d'abord? Les motos? Laporte?

Remarquez bien, la photo qui accompagne son texte est superbe. BB était en beauté, sur sa Harley, bottée, au fait c'était en quelle année?

Hey! oui! les motocyclistes sont révoltés à cause des hausses des droits d'immatriculation que la SAAQ leur impose.  Plus de 300% d'augmentation pour certains. C'est beaucoup. Et pour Stéphane, le motard devrait se raisonner, accepter de casquer.  Selon lui, c'est le prix de sa liberté.

Est-ce qu'on va se mettre à disserter sur les clichés, sur «le motocycliste qui slalome sur sa Ninja déchromée».

Ridicule. Y aussi des automobilistes qui se balade le nez au vent; des, aussi, qui se maquillent sur la 15 en roulant; des, encore, qui n'en ont que pour leur Blackberry; et des, enfin, qui n'en ont rien à cirer. Que dit le panneau?«Auto et Moto, faites bon ménage!». Mon cul, oui!

Évidemment 10 000 motocyclistes qui, de semaine en semaine, manifestent au rythme de l'escargot pour contester l'abus, ont fini par attirer l'attention des bonzes de la SAAQ. Les moteurs ont vrombri. Les motards ont grogné. 

Et voilà qu'on pense à interdire la conduite des motos sport aux moins de 25 ans, avec un minimum de cinq ans d'expérience. On parle de législation sur l'équipement du pilote, etc...

Faudrait lâcher un peu la morale. Que ce soit Laporte, que ce soit les autres, le discours est toujours teinté des notions de bien et de mal. Le mal étant toujours  le motocycliste «qui roule lousse  assis sur son moteur à 150 à l'heure».

C'est fort l'image: «...Il portait des culottes, des bottes de moto, un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos,  sa moto qui partait comme un boulet de canon, semait la terreur dans toute la région...»

Allons don', ce n'est qu'une chanson. D'autres ont fait des films et bien qu'on les y associe avec tellement de plaisir, les motocyclistes ne sont pas, par définition, mauvais garçons. Y en a . Partout y a des cons.

Et puis, merde! La route est à tout le monde, le code s'applique à tous, pourquoi deux roues casqueraient-elles plus que quatre. Je vous rappelle, on a voulu un système d'assurance universel... on l'a voulu  équitable.. .oui, oui, comme le café.

Allez, laisse rouler...

Dimanche, il faisait vachement beau. Le vent était chaud....   



 



mardi 5 mai 2009

Ah! les Ritals!

Berlusconi et ses frasques. Sa charmante épouse Veronica et sa demande de divorce aussi spectaculaire que son mascara et  le rouge feu de ses lèvres botoxées. Les nymphettes à la télé.  Les animatrices de télévision trop sexy...
C'est l'Italie, ça aussi. Y a pas que le Colisée, le Ponte Vecchio et le Vatican...y a aussi la démesure humaine et la fascination pour l'ultra-grossier-glamourous. 

Distrayant, non?

J'ai toujours dit qu'on devait à l'Italie  le plus beau, mais aussi le plus laid: Le David, mais ausi les lampes dorées de St-Léonard.
 
Le président du Conseil Italien  qui bafoue sa femme aussi publiquement qu'allègrement, qui dresse une cour de starlettes sur la liste aux élections européennes, qui se pointe à l'anniversaire d'une jeune Napolitaine de 18 ans...

Imaginez deux secondes Stephen Harper!!! Hi! Hi! Hi!
En tout cas, ça le décoifferait. 

Et v'là que le Cavaliere, propriétaire de je-ne-sais combien de chaîne de télés, va pleurnicher à la RAI . Enfin, pleurnicher...Pas vraiment, il a surtout demandé à Veronica qui, elle,  exige le divorce de ce fanfaron politique dont la  fortune est évaluée à plus de 8 milliards d'Euros,  de s'excuser et de dire publiquement qu'elle est dans l'erreur...


Mais pourquoi la RAI, Caro Silvio? Pourquoi pas sur une des chaînes qui vous appartiennent?

Pourquoi? Parce que la RAI fait près de 45% de part de marché? 

Et dire que le Signore Berlusconi, il n'y a pas si longtemps, accusait  cette même RAI, le service public, d'être trop pessimiste....surtout en tant que crise.

Et voilà pour le pessimisme à l'Italienne... pour la crise à l'Italienne et pour le Divorce à l'Italienne.

P.S.:Il a de la chance le Cavaliere que Veronica ne soit pas Catherine de Médicis...encore que...



samedi 2 mai 2009

Qui es-tu?

Qui es-tu A. MacKenzie là bas sur ta réserve? Raconte-moi. La réserve? Le territoire, non?
Pour ceux qui essaient de suivre, A. (disons que c'est son nom au complet) a commenté mon dernier texte. Ce qu'il a écrit m'a intrigué...
'Stie qu'on est différent sur cette terre...

Pourquoi ce matin-là?

J'ai eu le malheur de vous avouer que je me mordais les doigts pour ne pas vous dire tout ce que j'ai envie de vous dire.
Pourquoi ça vous énerve tellement que je ne vous dise pas tout? Hein? Pourquoi? 
Comme me l'a fait savoir un lecteur, un jour je serai vieux et financièrement confortable, et ce jour-là, croit-il, je parlerai. Allons donc!
 
Va pour le vieux, même que je le suis déjà un peu, mais je ne serai jamais riche, jamais friqué. Ça je le sais. De toute façon, ni l'âge ni le fric  n'ont à voir avec la liberté, surtout pas celle de parole.

Tiens, je m'ennuie de Bourgault. Il n'a jamais eu de fric, lui, il est devenu vieux, mais ça ne l'a jamais empêché de dire librement ce qu'il pensait, surtout quand il pensait que ce qu'il pensait était socialement pertinent, plus qu'acceptable.

Je m'ennuie de mon ami, pas tous les jours, mais souvent. Pas de ses envolées oratoires ou littéraires, je m'ennuie de mon ami, c'est tout. De cet homme que j'ai connu si tard.

 On a tellement rigolé, tellement parlé, tellement dit de mal, mais aussi de bien dans le dos des autres, tellement refait le monde au bout de sa table de salle à manger, lui devant son verre de vin minable et moi, à la main, le scotch qu'il achetait au cas où je m'arrêterais. Douce attention, non? 

Une confidence? Et pourquoi pas?

 L'autre matin je me suis réveillé en pleurant. Des larmes bouillantes coulaient sur mes joues. Je pleurais sans raison. C'était un matin comme les autres sinon que ce matin-là, je me suis réveillé en pensant à lui. Et j'ai réalisé qu'il avait été le seul sur cette terre  à qui je disais tout, tout ce que j'avais sur le coeur, sans honte, sans gêne, sans cette castrante et irrépressible impression d'être jugé. 

Oh! N'allez pas croire, lui aussi parlait. Il n'y avait pas que moi, pas que mes joies à moi, pas que mes peines à moi. Mon ami ne faisait pas qu'écouter. Il lui est arrivé de m'engueuler, il nous est arrivé de NOUS engueuler,  il m'est arrivé de me faire remettre à ma place, et il lui est arrivé aussi de m'appeler en plein désespoir, en plein désarroi. Et il m'est arrivé d'accourir et de le trouver en larme et de le serrer  comme on serre dans ses bras un enfant démuni. Et il lui est arrivé de me consoler parce que j'étais largué. 

Une des choses que j'aimais chez lui, c'était l'heure. Il la donnait toujours juste, ne faisait jamais semblant, quitte à blesser, peu importe le moment. Or,  il y avait chez lui un côté du mur à l'ombre.

Je m'ennuie de nos niaiseries, de nos discussions qui portaient souvent sur le sexe, la beauté et la séduction; sur les garçons qu'il trouvait beaux; sur les filles que le printemps rendaient si belles à mes yeux;  sur le cul qu'il ne pratiquait plus; sur celui des femmes dont je ne me lassais pas;  sur les passions qui m'étouffaient et sur les siennes qu'il avait volontairement repoussées pour ne plus en souffrir.

Oui! Ce matin-là, en me réveillant, allez savoir pourquoi,  j'ai senti le vide; le vide qu'il a laissé. Pourquoi ce matin-là? Ça fait un bail pourtant qu'il est mort.
 Or, ce matin-là j'avais envie de lui parler, parler à mon ami, juste parler, juste être entendu plus qu'écouté...