jeudi 16 avril 2009

L'autre côté de la médaille

Il s'est avancé sur scène en claudiquant jusqu'à son tabouret; à peine soutenu par sa canne. Ça applaudissait à tout rompre. On était content pour lui, nerveux pour lui. 

Jamil s'est assis, son chapeau qui ne le lâche plus sur la tête. Il a fait quelques blagues. Pour se détendre, plus que pour détendre l'atmosphère. C'est Jamil. Et puis, il s'est mis à chanter; sans guitare; avec ses partitions et ses mots sous les yeux...au cas où, juste au cas où...

Au début, ça grinçait un peu, histoire de remettre le moteur en marche. Faut dire qu'il n'a pas choisi le chemin le plus facile: celui des spermatzoïdes. Ça va vite les spermatozoïdes.
Un band du tonnerre. Une présence du tonnerre et un courage du tonnerre.
En deuxième partie, j'avais oublié l'AVC. Lui aussi, je crois. J'avais retrouvé l'artiste, l'homme de mots et de notes qui me fait triper et me rend jaloux de son immense talent.

J'étais debout à l'arrière. À l'entracte, je le reconnais. Je le reconnais, Éric. Pas Lapointe. Éric du Petit Moulinsart. Il n'est plus le même. Lui-aussi s'appuie sur une canne. Il a maigri.De toute évidence, il reçu une tuile sur la gueule. Pas une tuile.
Qu'est-ce qui t'es arrivé? Un bloc de glace sur un toit, la terrasse en bas, lui sur la terrasse, le bloc fout le camp, lui tombe sur la tronche. Hôpital, coma, opération, 10% de son cerveau amputé, un oeil et quelques dents en moins, réapprendre à lire, à écrire...à vivre. Comme Jamil sa mémoire à court terme fait des courts circuits.

Hey! ti-cul, tu te rends compte, ta chance? 

J'ai oublié de vous dire, je suis allé au Petit Meddley avec Éric. Lapointe celui-là. Le guerrier s'est battu contre ses démons. Pas besoin de vous le dire. Vous savez. Il se bat toujours d'ailleurs. Moins fort cependant. Il est en train de gagner. Il est brillant comme un singe, fort comme un lion. Il a soif, mais il boit de l'eau, pis du café, pis tout de sorte de truc sans l'alcool où le diable aime bien se tremper les pieds.
La première fois que je le vois s'asseoir et  regarder un show au complet, écouter, et sourire aux jeux de mots, aux mots des chansons. J'aimerais savoir ce qui défile dans sa tête.

Le show terminé, il était gêné d'aller saluer Jamil. Oui, il est gêné. Gêné peut-être de vivre ces temps-ci avec lui-même. Après tout, il n'a pas l'habitude. Il doit apprendre. Bref,  il y est allé quand même saluer ce Jamil claudiquant sur sa canne, mais content.
Et il a vu l'autre Éric, appuyé à sa canne lui aussi. Il a pâli. 

Sur le trottoir, Éric le rocker a proposé à Éric «petit moulinsart» de le raccompagner chez lui, en voiture. Parce que lui qui ne conduisait jamais sa voiture de peur de tomber en bas de ses quatre roues, lui, il conduit maintenant. Et il marche, sans canne. Et il chante.

Hey! mon ti-criss, tu te rends compte la chance qu'on a?