samedi 29 août 2009

LA TEMPÊTE...

Ça souflle et il pisse à 60km/h, au moins. Les arbres sont pliés en deux et la mer serait noire comme l'enfer n'eussent été des rouleaux blancs qui lui faisaient une si jolie coiffure.

Tiens, en voilà trois bien affairés qui prennent leur envol en planche à voile...

Ici, on parle de tempête tropicale. En fait, au départ, Kyle était de force 1. Or, les eaux froides du Maine ne refroidissent pas que les ardeurs des baigneurs, elles freinent aussi, en leur rafraîchissant les idées, la puissance des ouragans, ramenant ainsi Kyle un cran plus bas.

Pendant ce temps à moins de 200 kilomètres d'ici, le gratin politique envahit l'Église où seront célébrées les funérailles de Ted. Évidemment, comme ça doit être cas chez nous, les télés beurrent épais sur le dernier des trois frères Kennedy.
Faut dire que leur vie s'y prête: un roman américain des 60 dernières années, des routes pavées de drames,  de maladie, de tragédies, d'argent, d'assassinats, de douteux scandales à saveur sexuelle, des rapports ambigus avec Hollywood, de crash d'avion, de disparition en mer, de luttes politiques, surtout, qui ont changé la face d'une Amérique.

Et les obsèques ont débuté.

Pas beaucoup d'émotion affichée pendant cette cérémonie, pas beaucoup de larmes qui coulaient sur les joues des endeuillés. Peut-être que dans cette «aristocratie américaine», il est mal vu de pleurer; peut-être confond-on pleurs et faiblesse?

Faut dire que côté «je t'en mets plein la vue», on n'avait pas lésiné: Yo-Yo Ma, Placido Domingo... Et que dire de la brochette de présidents. Au fait, en passant  W. Bush, ahuri, mal aimé, détesté, avait l'air de se demander ce qu'il foutait là.

Or, deux hommes ont permis à cette cérémonie  d'outrepasser le stade des mondanités et des sermons empruntés: les deux fils du sénateurs, Teddy et Patrick. Ils ont parlé  du père. Ils ont dit haut et fort l'amour qu'ils portaient à Ted, l'homme de famille, la voix parfois cassée, les yeux mouillés...Même s'ils ont réussi à nous faire sourire une fois ou deux, leur témoignage était triste. Triste parce que mis en perspective. Triste parce qu'ils ont levé le voile sur l'intimité, les repas en famille, le marin...Triste comme il est triste de perdre son papa. Et que sa vie a laissé place au vide. 


Et ce soir, il pleut toujours sur la mer agitée même si  le vent s'est un peu calmé. Du coup, les planchistes ont replié leurs ailes.

  

 

vendredi 28 août 2009

THANKS TED...

Aujourd'hui, j'ai roulé jusqu'à Boston. Ce «Thanks Ted from the people of Massachusset», clignotait sur la 95 à l'entrée de  l'État.

La ville sans dormir, n'était pas réveillée. Elle était gelée, encore sous le choc. Des visiteurs interchangeables tournaient autour de l'obélisque du Square de la Constitution, des fleurs étaient allongées à la grille du congrès, des journalistes, micro au poing,  interviewaient des politiciens qui avaient probablement, vu la grisaille du tissu et la coupe de  leur complet,  le même tailleur.

On a mangé des Sushi sur une terrasse à deux pas des fleurs et du dôme recouvert de feuilles d'or. Et puis on a cherché un hôtel sans succès. No vacancy.Rien de disponible. Après tout c'était une des dernières journées  de ce dernier Kennedy dans son coin de pays. La sécurité invisible était toutefois palpable. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'un président vient rendre hommage à un sénateur inspirant.

Comme on n'allait quand même pas dormir, moi sur le guidon, et fiston sur la selle, on est remonté vers le Maine.

Ce soir, la mer est belle; grise,  certes, mais plus belle et mieux  taillée que les complets des congressmen...  


ÇA VOLE HAUT UN CERF-VOLANT...

On a dormi. On s'est levé. On a mangé. Et on est allé à la plage. C'est pas les vacances, ça? Fait ni chaud ni froid, le vent fait son boulot. Il se charge de tempérer.

Ce que j'ai fait? Rien,. J'ai posé mon cul dans le sable et j'ai regardé fiston faire voler son cerf-volant avec, dessus, une tête de mort, emblême des pirates. J'suis resté là un bon moment sans bouger, à me déplacer d'une fesse à l'autre, à observer les gens, les baleines échouées, les enfants...

Ça monte vachement haut un cerf-volant, j'avais jamais vraiment fait attention. 

 Et, las de voir mes semblables s'agiter, je me suis décidé à ouvrir le roman de Dany. Il me l'a offert au moment de sa dernière chronique estivale à «C'est bien meilleur le matin». 

Je vais m'ennuyer de Dany, de ses collaborations à «Je l'ai vu à la radio», de ses indignations, de sa façon de toujours parler de Borgès, de ses réflexions identitaires, de ses critiques impressionistes.

Or, l'écrivain doit de temps en temps savoir quitter la table des médias pour voir le monde, penser, rêver. Je le comprends.

Je m'ennuie déjà de mon frère. Alors, quand je m'ennuie trop, je le cherche et le trouve dans ses livres.

Celui que je viens d'ouvrir et qui ne paraîtra que dans quelques jours, ce bouquin au titre et au traitement parfois graves, nous présente l'homme accompli qui parle de son père mort dans la solitude  new-yorkaise, une solitude qui se vit  seulement dans les grandes villes. 

Dany qui a toujours écrit sur les femmes de sa vie, sur sa mère, sur sa grand-mère, sur celles qu'il a aimées, le voici qu'il parle  de celui qui, un jour, alors qu'il était encore petit,  est parti. Le voici qu'il parle de l'absence. 

Les premières lignes donnent le ton:

La nouvelle coupe la nuit en deux.
L'appel téléphonique fatal
que tout homme d'âge mûr
reçoit un jour.
Mon père vient de mourir.

Il ne fallait que cela, ces quelques mots, guère plus. Sur le bord de cette mer froide, l'hameçon a traversé ma tête et mon coeur.

Et on suit le héros pas à pas, ce héros qu'on sait être lui. Il parcourt la route de l'exil, celle  de ce père journaliste, qui a fui un système, quitté famille, patrie et son île, pour une terre peu désirée et que tant d'autres ont tant qualifié de rêve américain. On a les rêves qu'on veut et la vie qu'on peut. Ce n'est pas de cela quil rêvait, Windsor. Et il est mort, tout seul, dans un appartement de Brooklyn.

Cette mort du père, il faut bien aussi l'annoncer à la  mère, mais cette fois, la nouvelle ne déchirera pas la nuit. Le personnage ira la porter, même mauvaise,  jusqu'à elle, profitant de l'occasion et de l'acuité que procure le deuil, pour autopsier Port-au-Prince.

Cet énigme du retour, c'est Laferrière, tout Laferrière, encore Laferrière; le Laferrière qui a lu Césaire à 15 ans; Le Laferrière qui marche, doucement, mais qui marche toujours. Le Laferrière de l'identité. Le Laferrière badin. Le Laferrière écrivain.

La glace brûle
plus profondément
que le feu
mais l'herbe se souvient
de la caresse du soleil

Les mots de Dany, finalement, vole plus haut que tous les cerf-volants...










jeudi 27 août 2009

LE JOUR DE LA MORT DU DERNIER DES KENNEDY...

Le blog, on l'écrit pour soi ou pour les autres? Ça reste quand même LA question. S'il doit devenir l'arme du journaliste citoyen, c'est sans contredit pour autrui qu'on l'écrit. 
Mais s'il est confidence, journal plus ou moins intime, récit de voyage, s'il n'est qu'une trace de nous-même et de notre petite vie, il est pour qui, le blog? Y a-t-il, là, pertinence?

J'ai écrit sur ce doute à l'époque où j'étais  chroniqueur dans un journal ce qui m'a attiré les foudres de bon nombre de bloggers. C'était une autre vie.  N'empêche que je me pose toujours la question.

                                                                 • • •

Tout ça pour dire que fiston et moi avons enfourché la moto et quitté la maison mercredi matin.  Direction la côte Est américaine. On a bien dû rouler près de neuf heures, peut-être même un peu plus puisqu'on est arrivé à destination vers 20 heures. Une température idéale pendant tout le voyage;  un ciel bleu tapissé de nuages pâles et vaporeux qui rendait le  Vermont, cet État vert, encore plus vert.

Un peu chiant quand même cette histoire récente de présentation de passeport à la douane. D'ailleurs, le douanier, même s'il avait l'air d'un enfant  chanepan ou d'un jeune tueur-à-gage dans un film de série, avait l'assurance arrogante que lui conférait sa fonction voire son pouvoir. 
 
C'est ça vieillir finalement: réaliser, un jour, sans qu'on s'y attende, que les douaniers, les policiers, les joueurs de hockey...sont  des gamins qui jouent aux hommes.

Celà dit, il n'a quand même pas été trop chiant, monsieur l'agent. Vérification de papiers. Nuovo, va pour Nuovo. Petitclerc, va aussi pour Petitclerc. C'est quand même là qu'il m'a demandé qui était fiston. Pour faire vite et simple, j'ai répondu: mon fils. Devinant la perplexité dans son regard caché derrière ses Ray Ban, j'ai ajouté par souci de précision: le fils de ma femme.

-Est-ce que vous avez une lettre qui vous donne l'autorisation de quitter le pays avec lui? qu'il m'a dit.

Heureusement, on y avait pensé.

Je lui ai donc présenté la fameuse lettre qu'il a fait semblant de décrypter puisqu'elle était écrite en français. Mais ce qui l'intéressait, c'était surtout la signature de la maman. Or, la maman s'appelle Yale. Double perplexité de monsieur le douanier. 

Alors, le beau-père: Nuovo. Le fiston: Petitclerc. Et la maman: Yale. 

Même en français une chatte y perd ses chatons, non? Imaginez un officier des douanes et de l'immigration... 

-Allez-y, roulez, a fait le gardien du temple américain qui n'avait de toute évidence pas envie de chercher dans cette litière-là.

Au fait, le gigantesque drapeau qui marque l'entrée sur la terre de l'Oncle Sam était en berne. Le dernier des Kennedy était mort dans la nuit; et comme titre d'aujourd'hui les journaux: fin d'une dynastie.

                                                                          • • •

Et on a avalé la 89. Bon, on ne l'a pas vraiment  toute avalée; un petit bout seulement, jusqu'à Burlington, et après Montpelier, la capitale. On a longé en hauteur le majestueux lac Champlain sur lequel jadis naguère j'ai beaucoup navigué.

Et on a bifurqué vers la 302 . Laissant le Vermont derrière nous, on s'est enfoncé dans le New Hampshire, tout aussi verdoyant. En glissant sur la route qui longeait la rivière, j'ai eu l'impression qu'elle cherchait son lit pour, elle-aussi, s'y coucher.

À Bethléem, pas d'enfants Jésus. Bizarre d'ailleurs ce Bethléem  en plein milieu du New-Hampshire, pas très loin de Berlin et encore moins loin de Lisbon. Un village de villégiature où on croise régulièrement des résidents hassidiques de New-York ou d'Outremont. 

À chaque fois que j'y passe, je me demande comment ils ont déniché ce coin de pays, porte d'entrée des Twin Mountains et du majestueux Mont-Washington. C'est plus géant encore à moto. Comme si les montagnes en imposaient davantage. Comme si, telle la mer rouge, elles s'étaient ouvertes pour laisser passer un  peuple.

Putain, c'a quand même été long. Une longue balade parce qu'on a choisi la majesté de la petite route plutôt que le speed de l'autoroute. Or, une fois à North Conway, petite ville sortie directement d'un dessin animé, ça sentait déjà la mer. Pour qui bien sûr a un bon odorat et l'envie d'arriver au plus sacrant.

Fiston m'a une fois de plus épaté. Ce n'est pas la première grande randonnée qu'on se tape ensemble, mais huit heures, neuf heures de moto «sans se plaindre» comme dans la chanson, c'est long longtemps. Et y a des limites à ce qu'un cul de 10 ans peut endurer sur une selle.

 Lui, il était tranquillement installé à l'arrière et il ne pipait mot. Jamais. Je le voyais dans mes rétroviseurs. Il rêvassait. Il jouait. Dans le vent, ses mains lui servaient de cerf-volants.

-Qu'est-ce que t'aime tant dans la moto, garçon?

-J'sais pas (à cet âge-là, ils croient toujours ne pas savoir, or ils savent très bien). C'est la liberté, je crois. On n'a pas de ceinture. Et pas besoin d'ouvrir les fenêtres parce qu'on a mal au coeur.


lundi 17 août 2009

LE GONDOLIER ET SA FIANCÉE

 Il pleut et il vente et il y a un avertissement d'orages violents. Pas tellement que ça me réjouisse, mais c'était inévitable. Depuis quelques jours, l'air n'était plus de l'air. L'air n'était qu'humidité.  Maintenant, il pleut. Une pluie tropicale. Dix minutes; à peine de quoi déchirer la nappe de brouillard, rafraîchir l'atmosphère et permettre au soleil de  réapparaître.
L'automne en été. Les Caraïbes à la fin aôut. Et l'hiver qui, un jour ou l'autre, se montrera le bout du nez; seule certitude. En fait, il y en a deux: la neige et la mort. Quel curieux pays!

                                                                              * * *

Et dans quatre jours, je retourne à mon micro du samedi après neuf semaines au matin. Ça aussi, c'est un signe que l'été s'achève. Un peu comme la rentrée des classes finalement. Et je n'ai pas vu le temps passer, à la façon d'Aznavour.

«Aux mille questions que se pose, mon esprit déjà perturbé, seule une réponse s'impose, je n'ai pas vu le temps passer».

Bon signe, non?  Mieux, beaucoup mieux que de  traîner l'aube telle un boulet.


                                                                             * * *

Un été de mariage aussi: un en juin et un autre  en août, comme pour ouvrir et fermer la saison des amours. 

Samedi, sous un soleil de plomb et un mercure qui frôlait les 33 degrés, nous avions été conviés sur le bord de la Rivière du Nord. C'est là qu'avait lieu la cérémonie. C'est l'endroit qu'avait choisi, après 17 ans de passion non dissimulée, Maurice et Sylvie pour unir leur destinée. Pas devant Dieu, seulement devant les hommes.

On se serait cru un dimanche à la campagne. Toutefois, nous n'étions pas en 1912 comme dans un film de Bertrand Tavernier. L'ambiance champêtre, le  plaisir  simple, le bien-être. Il n'y avait personne, là, en cet après-midi, au crépuscule de sa vie. Il n'y avait personne-là, du moins en apparence, d'aigri.

Et pendant qu'on attendait dans l'herbe et qu'on sirotait un petit blanc, on les a vus les nouveaux mariés. Ils remontaient la rivière. Pas en canot, ni en chaloupe. Non. Maurice, ce merveilleux fou romantique, cet artiste débridé, ce petit bonhomme qui aurait pu être un contemporain  de Monnet, cet impressionniste qui voit la vie en tache de couleur (Croyez-moi, je pèse mes mots), ce Maurice, donc, avait construit au cours des dernières semaines, de ses mains caleuses, une gondole pour emmener sa bien-aimée et lui prêter serment d'éternité. Faut le faire.
 
Une gondole, je vous dis, construite à partir de plans d'origine qu'il avait déniché je ne sais où. Une vraie gondole, toute noire, avec de la peinture d'or en guise de maquillage , une gondole au nez fier et hautain comme celles qui glissent sur les canaux vénitiens et qui passent sous les ponts où soupirent les amours . 

Maurice était le gondolier et Sylvie, la princesse de la journée. Ils ont accosté au quai assemblé pour l'occasion; elle, étendue de son long dans une robe qu'il lui avait cousu de ses mêmes mains de charpentier. Il emmenait à bon port sa fiancée aux cheveux d'or. C'était la passion qui glissait sur l'eau. Et Mariano qui chantait la belle de Cadix aux yeux de velours, tchiki-tchiki-tchik aïe, aïe, aïe....

Le notaire qui aurait très bien pu être un curé, les attendait. Nous étions tous là,  membres de la famille,  amis, enfants,  sous les saules et les peupliers, prêts à témoigner d'une douce réalité.

Ils se sont lus des mots du coeur, ont revu leur vie sur du papier noir sur blanc que la magie du moment avait relevé de  couleurs.

Et la soirée fut délicieuse, si douce; une soirée d'où émanaient des parfums d'herbe à peine humide, d'amitié et d'amours consacrées. 

C'était beau. C'était bon.  Nous étions bien.  Ce samedi soir, sur le bord de la Rivière du Nord, le bonheur avait choisi, un court moment, de s'arrêter.



mardi 11 août 2009

LE GÉANT AUX COURTES JAMBES...

Quelle paresse! Aujourd'hui, je suis Africain, Haïtien peut-être; voilà, je suis  Dany Laferrière, la couleur de la peau et le talent en moins.
Je déambule; lent, accablé par une trop rare chaleur. Alangui. Prêt à rêver; à tout, mais surtout à rien.
 Je suis pas à pas le chien Clovis qui grandit, par ailleurs, et j'attends qu'il se couche. Ce qui ne tarde pas. Et je me couche aussi.


Ça fait des jours que je me botte le cul pour écrire quelques lignes... Je ne dois pas botter assez fort.


Et v'là qu'aujourd'hui, il fait chaud, vraiment plus chaud qu'à l'ordinaire. Drôle de pays, l'été qu'on attend depuis le 21 juin est là, enfin. La cigale chante depuis quelques jours. Si, si, je l'entends. Nous sommes mi-août et elle chante. Or, on ne l'a pratiquement pas entendue de l'été. Il faisait trop froid, trop humide pour la cantatrice; déjà qu'elle est chauve, l'abondante pluie l'a rendu aphone.


Aujourd'hui, toutefois,, elle chantonne; comme si elle s'était soudainement souvenue des délires animaliers de Jean de La Fontaine et de sa fourmi.



«Vous chantiez? J'en suis fort aise et bien dansez maintenant».



Cigale, tu peux dormir tranquille. Vrai, la fourmi n'est pas prêteuse, mais nul besoin de quémander cette année. T'as pas bossé, mais t'as pas non plus beaucoup chanté.


                                                                         • • •



C'est l'histoire d'un gamin à La Ronde ou d'un géant aux courtes jambes.

Gamin rêvait du parc d'amusement comme tous les petits de son âge rêvent d'émotions fortes. On n'y échappe pas. Faut les y emmener au moins une fois chaque été. Le paradis des enfants est parfois l'enfer du parent.



Gamin, donc!

 C'était sa journée. Enfin. Les manèges l'attendaient, surtout le gros-là, l'immense devant lequel des centaines de kids comme lui faisaient la file. Un manège énorme, monstrueux. L'altitude d'abord, la lente ascension et l'interminable chute dans le vide à vitesse grand V. Une telle descente que ça vous chatouille le bas du ventre. Voyez, ce que je veux dire.



C'est la première fois qu'il peut officiellement y grimper et enfin goûter à l'aventure. La première fois qu'il est assez grand. Il le sait parce qu'avant de s'enfoncer dans la longue queue qui le mènera là- haut, plus loin, Gamin a bien pris soin de se mesurer à l'étalon d'accès.


-«Bon, a dit le gardien, tu peux passer».


Gamin était si fier, si heureux. Et comme les autres, il s'est mis en ligne. Il était prêt à tout, même à attendre deux heures sous le soleil pour enfin grimper dans un des wagons du train de l'enfer.


Avec son copain, Gamin a donc pris place. C'était bien sûr la cohue; les cris de joie, de nervosité, de peur. En s'assoyant dans le wagonnet, Gamin était enfin aux portes du plaisir. Vous savez, celui qui vous chatouille le bas du ventre. Il avait tant attendu. Tellement  d'années.

Comme il se doit, le préposé est passé de chariot en charito pour abaisser la barre de sécurité. Gamin et son copain  frétillaient. L'employé  a descendu la garde pour tout d'un coup, sans regret, ordonner à Gamin de sortir de son siège et de redescendre parce qu'il n'avait pas la taille nécessaire pour ces folles montagnes. 

Gamin ne comprenait rien.  Il a rétorqué au responsable qu'il devait se tromper, qu'il s'était mesuré à l'étalon, en bas, avant de faire la file, avant  d'attendre deux heures.

Rien pour ébranler le mis-en-charge.

-Non, tu n'as pas la taille; quand tu es assis, tes pieds ne touchent pas le sol.

Gamin n'y comprenait toujours rien. Ça se bousculait dans sa petite tête. Comment se pouvait-il qu'en bas du long escalier, il était assez grand pour se lancer dans le vide et qu'ici, à deux pas du but, il était devenu trop petit.

Inflexible, sans compassion pour Gamin qui, vous imaginez bien, réprimait ses larmes, le détenteur de petit pouvoir, tel un général sans coeur, a montré la sortie à Gamin qui, la tête basse, est redescendu, seul, beaucoup plus vite qu'il n'était monté, ne saisissant surtout pas qu'il avait un long torse et de courtes jambes. 

Comme quoi, même géant,  on peut être petit. 
  

mercredi 5 août 2009

VROUM-VROUM

Je n'ai rien contre la F1, mais ça ne me fait pas triper outre mesure. Voir des voitures qui tournent en rond ou presque m'ennuie un peu. Peut-être que si je pilotais...
Or, je ne pilote pas.
Je n'ai rien contre la F1, je le répète, mais j'en ai un peu contre les diktats de Bernie, ce vieil homme de 79 ans qui fait la pluie et le beau temps dans le monde de la course automobile.

Oui... non... j'sais pas... j'm'entends pas avec Montréal, ni avec Legault, ni avec la Ville, Québec et Ottawa et patati et patata...

Il fait suer tout le monde (surtout ceux qui aiment la course) pendant des mois, déménage le Grand Prix au bout de la planète; ça ne marche pas comme il le souhaite, le public en Turquie, par exemple, n'est surtout pas au rendez-vous...Et v'là-tu-pas Bernie qui tente rebelotte, se ramène et fait un appel du pied gros comme un bras à Montréal.

Coquin et un peu baveux, il passe son message par la bande -la bande étant ici un journal spécialisé- annonce un retour de la F1 pour 2010 à Montréal et parle d'une entente de principe de sept ans entre lui et les négociateurs québécois, bla, bla, bla...

J'sais pas si tout celà est vrai. D'ailleurs, je m'en fiche un peu. Ce qui m'emmerde: notre façon de ramper devant ce Andy Wahrol du vroum-croum en voulant donner l'impression qu'on est dans le coup.

Évidemment, y a les retombées économiques pour Montréal, pour le Québec. Étrangement d'ailleurs, leur évaluation est  passée, sans trop savoir comment, de 74 millions de dollars à quelque 100 millions. Bof! Je pige rien aux chiffres! Aux négociations non plus d'ailleurs.

Ce que je sais, pas contre, c'est qu'il faut parfoir se tenir debout et que même le fric ne justifie pas qu'on se mette à lécher des bottes. Un peu de dignité, bordel!


  

lundi 3 août 2009

LA GUERRE, LA GUERRE PAS UNE RAISON POUR SE FAIRE MAL...

Deux soldats de la base de  Valcartier sont morts ce week-end. Soixante-quatorze en juillet. Un été meurtrier, comme dans le film de Becker. Cent-vingt-sept en tout depuis le début.  Et quand on voit les commentaires comme celui publié ce matin à la Une du journal Le Devoir, quand on nous dit que le pire est à venir, on se demande quand tout ça va se terminer, si ça va, un jour, se terminer et surtout qu'est-ce qu'on fait là-bas? Vraiment. 
Du bien? Je doute. La route est toujours trop courte  quand la mort est au bout.
Le Canada prévoit un retrait en 2011. C'est  loin 2011. 

Avez-vous vu la tête d'un des deux militaires qui a crevé samedi? Un enfant; 23 ans. Quelques heures avant de mourir, il a écrit un mot sur son blogue. Il lui restait deux mois de mission. Il avait hâte de rentrer au bercail. Raté. Plutôt qu'un rendez-vous avec une vie qui aurait bien pu être longue et belle, il a trouvé une mine sur son chemin. Si vous voulez, appelez-ça le destin. 

Quoi? Que dites-vous? Vaut mieux vivre un jour comme un lion que cent jours comme une brebis. Quel est le con qui a dit ça? Et encore faut-il savoir pourquoi. Au fait, le con, c'était Mussolini.  Belle référence que celle d'un type qui a fini, pendu tête en bas, tel un cochon.

 Jordi Bonnet l'a gravé sur la murale du Grand Théâtre de Québec: «Vous êtes pas tannés de mourir bande de caves? C'est assez!»

Est-ce que Péloquin est allé trop loin, trop fort? La phrase a fait scandale. Or, elle est restée dans les annales.

 Il est certain  que le poète ne pensait ni à l'Afghanistan, ni aux soldats de Valcartier. On était en 1970. Ou bien était-ce 1969?

Depuis, Pélo a beau avoir dérapé plus souvent qu'à son tour et, xénophobe plus souvent qu'autrement, il a quand même eu ce jour-là un trait de génie. 

Toujours est-il. Vous êtes pas  tannés de voir mourir nos enfants, bande de caves? 

S'il faut choisir vraiment sa guerre, je préfère encore celle des boutons d'Yves Robert.

Au fait, combien de jeunes soldats basés à Kandahar  se disent aujourd'hui comme le Petit Gibus: «Si j'aurais su, j'aurais pas venu»






UN NOM

Finalement, il s'appelle Clovis. Comme le premier roi de France. 
Pourquoi? Aucune idée. Il a une gueule à s'appeler Clovis, je crois. C'est tout. Pour le roi, on repassera...