dimanche 26 avril 2009

Les diables

Petit, calcule: ils étaient 113 avec leur tête de mort au casque ailé scotché au dos de leur veste. Ils en ont arrêté 111 l'autre jour. Combien en reste-t-il?

-Deux m'sieur

-Bien mon petit

-Deux m'sieur, mais les flics disent qu'ils ont éradiqué le mal, qu'ils les ont presque rayé de la carte. Je veux bien, moi, m'sieur, mais c'est oublier que les Hells Angels sont une organisation internationale, qu'y en a partout, dans la plupart des États Américains, dans les provinces canadiennes, en Europe, beaucoup en Allemagne, en Suède, partout. Si l'internationale socialiste s'est révélée un échec, m'sieur, l'internationale motocycliste, elle, a compris y a longtemps le principe de la mondialisation,

-Comment tu sais ça, Petit?

-Parce que c'est un très gros, très très gros MC (motorcycle club) et le premier en plus....

* * * * *

J'sais pas très bien pourquoi, j'ai accroché sur les anges de l'enfer. Je ne suis pas un expert des motards criminels. J'suis pas Auger. J'y connais strictement rien, sinon ce que j'en ai appris dans les livres.

Avouez, vous aussi ça vous intrigue.

Quand, il y a quelques années, je suis revenu à la moto après des années à rouler à bille sur du papier comme le chantait l'autre, j'ai foncé à la librairie. On parlait beaucoup des Hells, du banditisme, mais je ne savais rien de leur naissance, de leur culture -parce qu'il y en a bien une-, rien de leur philosophie, de leur histoire, je ne pensais qu'à leurs motos que je trouvais vachement belles, alors j'ai acheté des tas de bouquins.

J'étais curieux de la même manière que j'avais été curieux des marins, des pirates, des Lafitte de toutes les mers et de tout acabit, des navigateurs solitaires, des longues routes, des Moitessier, ou des Tabarly.

Alors, pour me rapprocher de tous ces univers de vent, d'embruns ou ceux de bitume et de poussière, j'ai bouquiné.

Comment tout ça avait-il commencé? Rien à foutre du gangstérisme, je vous assure, ce que je voulais savoir, c'est le début, le pourquoi, le comment.

Et je suis tombé sur «Hell's Angel, la vie et l'histoire de Sonny Barger et du Hell's Angels Motorcycle Club». Et puis sur le bouquin de Yves Lavigne «Hell's Angels: le clan de la terreur». Et puis d'autres encore, comme «la route des Hells»: comment les motards ont bâti leur empire», etc.

Étonnant, cette partie de l'histoire de l'Amérique florissante de l'après-guerre, celle où croyait-on tout était permis et où on se permettait tout, qui a enfanté ces gangs qui rêvaient de liberté, de vent du large en refusant la paix des banlieues sans trottoirs. Pas étonnant que la Californie soit devenue leur nid.

On était en 1948, des années avant «The Wild One», Brando, Lee Marvin et la légende, mais ces anciens pilotes avaient déjà troqué leurs bombardiers pour des deux roues, en gardant toutefois leurs ailes à leur casque, leur tête de mort et leur nom: «Hell's Angels» qui fera histoire.

Rien à foutre du ganstérisme (bis), c'est pas de cela qu'il est question, c'est de l'équipée sauvage.

Barger, charismatique, pas gentil, cruel, méchant, était de ce 1% tatoué hors-la-loi. Il a fondé en 1958, le chapitre d'Oakland le premier à faire régner la terreur, à terroriser, à tuer.

Ces Hell's là n'étaient pas des hippies et n'avaient rien à foutre de la paix; l'amour, il le violait; la guerre, il la faisait. Quant à la drogue, ils la vendaient et s'en gavaient. Quant à l'alcool, ils s'y noyaient.

Barger, c'est à lui qu'on doit cette internationale du motard hors-la-loi et ce qu'elle est devenue. Et lui, de cavalcade en cavalcade, après cancer et trachéotomie, après biographies et récits, voilà qu'il fait des conférences et parcours le monde. Comme un type bien.

Et, il roule toujours, même dans Paris. Il y était en 2004 au salon du livre.


PS: Le bouquin de Sonny Barger est facile à trouver. Et si vous voulez voir sa gueule, louez «Hells Angels on wheels» de Richard Rush. Un très mauvais film qui date de 1967 et dans lequel Jack Nicholson devait avoir à peu près 12 ans... J'exagère à peine»