lundi 15 juin 2009

Faut se rappeler, mais...

Ridicule cette histoire de «L'Autre St-Jean». 

Et dieu sait que, depuis quelques jours,  l'encre a coulé, que les toges ont volé, que les radios ont alimenté leurs tribunes et  que l'information en a fait ses choux gras.  Même la ministre St-Pierre s'est indignée et et y est allée d'une déclaration nationale. Normal, direz-vous, pour une fête tout aussi nationale.

Et tout ça, parce que deux formations musicales originaires de Montréal vont, dans le cadre du spectacle offert le 23 juin dans Rosemont, chanter en anglais quelques minutes.

Prenez ça par le bout que vous voulez, on capote-là.

D'abord, depuis longtemps déjà, l'unilinguisme français n'est plus l'apanage des spectacles gros et petits de la fête nationale. De la même manière qu'il n'y a plus d'échauffourées  lors des défilés et qu'on a enterré définitivement la Saint-Jean-Baptiste, fête des canadiens-français catholiques,  en 1968.

 D'ailleurs sans cette émeute sur la rue Sherbrooke, devant l'estrade sur laquelle «trônait» un Trudeau  déjà conspué qui niait la nation québécoise et qui, le lendemain, devenait Premier Ministre du Canada, il n'y aurait jamais eu de fête nationale. Sans Bourgault, sans 292 arrestations, sans 123 blessés dont 42 policiers, sans, en somme, ce «lundi de la matraque», il y aurait toujours un petit Saint-Jean Baptiste grimpé sur un char allégorique.






Faut se le rappeler quand même: sans la langue, il n'y avait pas de spécificité québécoise. Sans la langue, il n'y aurait donc pas eu de mouvement d'indépendance.  On se battait alors pour la reconnaissance de cette langue avec  tout ce que cela entrainait.  Une reconnaissance qui est arrivée des années plus tard, en 1977, avec une loi qui a fait du français, la langue officielle de l'État Québécois, «la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires».
Cette Charte de la langue française a aussi prévu  «le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise et celui des minorités ethniques». Faudrait pas l'oublier ça non plus. 

On était en 1977, la même année où, par arrêté ministériel, on décrétait le 24 juin Fête Nationale des Québécois.

L'eau a coulé sous les ponts depuis. Le Québec a changé de visage. Au contact de celle des autres, sa culture s'est étoffée, raffinée. Et même si elle mérite toujours et plus que jamais protection et haute-surveillance, cette langue, notre langue, le français, s'est institutionnalisée.

Maintenant donc, contrairement à jadis, le français au Québec n'est plus bafoué et n'est plus la langue des gagne-petits.

Vous vous demandez où je veux en venir?

Juste là: si le français doit être, comme on l'a souhaité, la langue  de la législation, de la justice, de l'administration, du travail, des affaires et de l'enseignement., elle est aussi  celle de la création (et dieu sait qu'on l'a prouvé). Or, elle n'est pas la seule langue des créateurs. D'autres peuvent l'être aussi. Et parmi ces autres, il y a l'espagnol, l'Italien, le portugais... et aussi l'anglais.

Et dans ce contexte, l'anglais chanté sur une scène pendant quelques minutes à peine n'est ni une menace à notre spécificité en Amérique, ni une insulte à la nation, ni un outrage à la Fête Nationale des Québécois. 

L'anglais, dans ce contexte artistique ne met en péril ni notre identité, ni notre culture, ni notre Charte. Dans ce contexte toujours, la langue d'une des minorités du Québec, n'effacera pas tout le progrès réalisé, ne biffera pas tous nos acquis.

Nous ne sommes  plus en 1968 quand la langue de Shakespeare,  sous n'importe quelle  expression, était un danger parce que la nôtre n'existait tout bonnement pas aux yeux des divers pouvoirs.

 Non, nous sommes au XXIe siècle quelques décennies plus tard... 

Et on ne parle plus d'emploi ici, mais de poésie, de chanson, de musique, de  création. 

Allons, un peu de sérieux. Soyons pas cons!