jeudi 27 août 2009

LE JOUR DE LA MORT DU DERNIER DES KENNEDY...

Le blog, on l'écrit pour soi ou pour les autres? Ça reste quand même LA question. S'il doit devenir l'arme du journaliste citoyen, c'est sans contredit pour autrui qu'on l'écrit. 
Mais s'il est confidence, journal plus ou moins intime, récit de voyage, s'il n'est qu'une trace de nous-même et de notre petite vie, il est pour qui, le blog? Y a-t-il, là, pertinence?

J'ai écrit sur ce doute à l'époque où j'étais  chroniqueur dans un journal ce qui m'a attiré les foudres de bon nombre de bloggers. C'était une autre vie.  N'empêche que je me pose toujours la question.

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Tout ça pour dire que fiston et moi avons enfourché la moto et quitté la maison mercredi matin.  Direction la côte Est américaine. On a bien dû rouler près de neuf heures, peut-être même un peu plus puisqu'on est arrivé à destination vers 20 heures. Une température idéale pendant tout le voyage;  un ciel bleu tapissé de nuages pâles et vaporeux qui rendait le  Vermont, cet État vert, encore plus vert.

Un peu chiant quand même cette histoire récente de présentation de passeport à la douane. D'ailleurs, le douanier, même s'il avait l'air d'un enfant  chanepan ou d'un jeune tueur-à-gage dans un film de série, avait l'assurance arrogante que lui conférait sa fonction voire son pouvoir. 
 
C'est ça vieillir finalement: réaliser, un jour, sans qu'on s'y attende, que les douaniers, les policiers, les joueurs de hockey...sont  des gamins qui jouent aux hommes.

Celà dit, il n'a quand même pas été trop chiant, monsieur l'agent. Vérification de papiers. Nuovo, va pour Nuovo. Petitclerc, va aussi pour Petitclerc. C'est quand même là qu'il m'a demandé qui était fiston. Pour faire vite et simple, j'ai répondu: mon fils. Devinant la perplexité dans son regard caché derrière ses Ray Ban, j'ai ajouté par souci de précision: le fils de ma femme.

-Est-ce que vous avez une lettre qui vous donne l'autorisation de quitter le pays avec lui? qu'il m'a dit.

Heureusement, on y avait pensé.

Je lui ai donc présenté la fameuse lettre qu'il a fait semblant de décrypter puisqu'elle était écrite en français. Mais ce qui l'intéressait, c'était surtout la signature de la maman. Or, la maman s'appelle Yale. Double perplexité de monsieur le douanier. 

Alors, le beau-père: Nuovo. Le fiston: Petitclerc. Et la maman: Yale. 

Même en français une chatte y perd ses chatons, non? Imaginez un officier des douanes et de l'immigration... 

-Allez-y, roulez, a fait le gardien du temple américain qui n'avait de toute évidence pas envie de chercher dans cette litière-là.

Au fait, le gigantesque drapeau qui marque l'entrée sur la terre de l'Oncle Sam était en berne. Le dernier des Kennedy était mort dans la nuit; et comme titre d'aujourd'hui les journaux: fin d'une dynastie.

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Et on a avalé la 89. Bon, on ne l'a pas vraiment  toute avalée; un petit bout seulement, jusqu'à Burlington, et après Montpelier, la capitale. On a longé en hauteur le majestueux lac Champlain sur lequel jadis naguère j'ai beaucoup navigué.

Et on a bifurqué vers la 302 . Laissant le Vermont derrière nous, on s'est enfoncé dans le New Hampshire, tout aussi verdoyant. En glissant sur la route qui longeait la rivière, j'ai eu l'impression qu'elle cherchait son lit pour, elle-aussi, s'y coucher.

À Bethléem, pas d'enfants Jésus. Bizarre d'ailleurs ce Bethléem  en plein milieu du New-Hampshire, pas très loin de Berlin et encore moins loin de Lisbon. Un village de villégiature où on croise régulièrement des résidents hassidiques de New-York ou d'Outremont. 

À chaque fois que j'y passe, je me demande comment ils ont déniché ce coin de pays, porte d'entrée des Twin Mountains et du majestueux Mont-Washington. C'est plus géant encore à moto. Comme si les montagnes en imposaient davantage. Comme si, telle la mer rouge, elles s'étaient ouvertes pour laisser passer un  peuple.

Putain, c'a quand même été long. Une longue balade parce qu'on a choisi la majesté de la petite route plutôt que le speed de l'autoroute. Or, une fois à North Conway, petite ville sortie directement d'un dessin animé, ça sentait déjà la mer. Pour qui bien sûr a un bon odorat et l'envie d'arriver au plus sacrant.

Fiston m'a une fois de plus épaté. Ce n'est pas la première grande randonnée qu'on se tape ensemble, mais huit heures, neuf heures de moto «sans se plaindre» comme dans la chanson, c'est long longtemps. Et y a des limites à ce qu'un cul de 10 ans peut endurer sur une selle.

 Lui, il était tranquillement installé à l'arrière et il ne pipait mot. Jamais. Je le voyais dans mes rétroviseurs. Il rêvassait. Il jouait. Dans le vent, ses mains lui servaient de cerf-volants.

-Qu'est-ce que t'aime tant dans la moto, garçon?

-J'sais pas (à cet âge-là, ils croient toujours ne pas savoir, or ils savent très bien). C'est la liberté, je crois. On n'a pas de ceinture. Et pas besoin d'ouvrir les fenêtres parce qu'on a mal au coeur.