lundi 8 juin 2009

Avec la langue...


Parler ou ne pas parler anglais?
Être ou ne pas être bilingue quand on aspire à devenir maire de Montréal? Ou maire d'une autre ville? Ou qu'on vise à occuper une fonction publique?

On discute le coup en ce moment autour de Louise Harel qui ne pipe mot en anglais. Elle baragouine, disons. On a déjà connu ce même genre de débat au sujet de Madame Marois.

C'est vrai, j'en conviens, Monsieur Duceppe a raison. On se pose rarement la question quand il s'agit du maire d'Ottawa ou d'une autre ville du Canada en dépit des édits sur les langues officielles.

Or, la question n'est pas là ou plutôt, si, elle est là, partout, dès qu'il s'agit d'occuper un poste d'élu. Que ce soit madame Harel ou un autre.

Il se trouve que parler anglais, même au Québec, n'est pas une tare. Une confusion s'est installée au fil des ans et on s'est mis à confondre une loi 101 qui vise à protéger une langue fragilisée par l'environnement où elle survit avec la pratique d'autres idiomes. Or, ça n'a rien à voir.

Parler une langue et la parler correctement c'est bien. Mais en parler deux, ou trois, quatre ou plus encore, c'est mieux. Surtout à une époque d'ouverture comme celle à laquelle nous vivons. Il est question ici, non plus de politique, mais de culture. Et n'est-il pas normal qu'on attende de nos élus qu'ils possèdent un minimum de connaissances générales.

Qu'on soit souverainiste, indépendantiste, n'a rien à voir avec la maîtrise de l'anglais. C'est du savoir qu'il est question ici et le savoir est un atout.

La langue, peu importe laquelle, n'est pas seulement un outil de communication verbale. La langue est la clé qui permet d'accéder aux cultures du monde et de les décoder, qui permet d'en comprendre les subtilités; et la langue reste le chemin le plus court pour accéder à l'âme du peuple qui la pratique.

Quand un journal comme The Gazette dénonce l'unilinguisme d'une madame Harel, il le fait pour les mauvaises raisons. Il attaque pour des raisons politiques. C'est une erreur.

* * *

Est-ce que je vous ai dit que jusqu'à l'âge de trois ans, je ne parlais qu'italien. Normal. J'avais peu de contact encore avec l'extérieur et mon univers se limitait à ma famille d'immigrants.

Et puis, j'ai commencé à fréquenter les voisins, les gamins de la rue, à jouer dehors avec eux. Ils m'ont appris le français, les codes de cette société dans laquelle j'étais né, mais que je connaissais pas encore. Puis vinrent l'école et les études.

Tranquillement, mais sûrement j'étais de là où j'étais et non plus de là où venait mes parents. Le français est devenu ma langue «naturelle», celle qui, peu à peu, a supplanté ma langue maternelle. Dehors, bien sûr, à l'école comme dans la rue, je parlais français, je jouais en français, j'apprenais en français. Même à la maison, avec ma soeur et aussi avec ma mère, le français était la langue d'usage.

Un seul gardait le fort de sa culture, même s'il parlait lui aussi français. C'était papa. Quand on s'asseyait à table, tous les soirs, il arrêtait nos échanges de plus en plus évidents dans la langue de Molière pour imposer celle de Dante.

«Ici, à table, disait-il, on parle italien».

C'était la manière qu'il avait trouvé pour garder contact avec nous, bien sûr, mais aussi avec ses racines. La seule manière pour faire le point entre sa famille et celle de ses aïeux. La seule manière qu'il avait trouvé pour nous apprendre, pour nous faire comprendre, malgré son économie de parole -papa comme bien des papas de sa génération parlait peu- d'où il venait, d'où on venait. La seule façon qu'il avait trouvé pour nous communiquer cette culture qui nous servait d'appui.

Je parlais donc français; j'ai appris l'anglais, puis l'espagnol, mais l'Italien m'est resté, toujours.

À l'adolescence, quand pour la première fois j'ai mis le pied en Italie, tout de suite, même si je n'y étais jamais allé auparavant, je me suis senti chez moi. Non seulement, je comprenais ce qu'on me disait, mais je comprenais ce qu'on faisait dans le quotidien, je comprenais les habitudes, j'adhérais à la culture. Je marchais dans la rue et je me reconnaissais dans les yeux et dans les mots des autres.

Sans la langue, j'aurais été l'étranger.












5 commentaires:

Anonyme a dit…

Pas mal intéressant ton texte. Plus on parle de langues, plus on se cultive et plus on peut communiquer avec les autres. C'est bien vrai ce que tu dis.

En passant, comptes-tu aller voir J'ai tué ma mère ? Et je parle de toi sur mon blogue : http://abeille344.blogspot.com/2009/06/le-metrosexuel-une-excroissance-du.html#links

Ciào !

ltremblay a dit…

Je suis d'accord avec vous mais dans le même temps, je pense à moi et à ceux qui ont bien de la difficulté à apprendre une autre langue par timidité ou pour toutes sortes d'autres raisons quelque peu mystérieuses. Que faire? Rester chez soi? Cela me rappelle un douloureux souvenir quand, plus jeune, j'avais à décider d'un métier et que je me devais d'exclure tous ceux qui exigeaient la langue anglaise. Quelle angoisse.

Ces temps-ci, j'apprends l'italien et ça me ravit mais je sais bien que je ne pourrai jamais parler cette langue de la même manière que ceux qui ont du talent pour ça. Cela ne m'empêche pas d'avoir un grand intérêt pour la culture italienne et j'ai bien hâte de pouvoir lire directement dans le texte Erri De Luca ou d'autres et de comprendre dans sa langue originale des films comme Le Christ s'est arrêté à Eboli de Francesco Rosi.

Cari saluti !

Cirque a dit…

Comme je suis contente de vous revoir écrire:)

Je suis née dans la langue française, dans une ville 100% francaise. J'ai tout fait à 19 ans pour apprendre l'anglais et lorsque je voyage dans le monde je fais tout pour apprendre au moins les rudiments d'un langage. ( En ce moment je suis sur le Russe)

Je ne comprends pas que des politiciens n'ai jamais fait cet effort... Ca me laisse perplexe face à leur ouverture.

ltremblay a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Parler anglais a dit…

Je me reconnais dans ton analyse du fait de parler anglais comme un atout culturel et intellectuel, non politique. C'est bien dit. Il y a des journalistes qui pourraient en prendre de la graine!